~Petites nouvelles de la recherche du
3eme trimestre 2021~
Guy Bergmann nous a quittés
Cela fait déjà trois mois que Guy Bergmann nous a quitté ! Membre du Cercle depuis 2009, il est parti le 22 mai 2021.
Guy est né le 21 avril 1951 à Sélestat où il grandit et fait toute sa scolarité jusqu’à l’âge de 19 ans. L’appel du large se fait alors sentir ; appel que Guy concrétise en s’engageant dans la Marine en 1970. Il suit une formation de six mois comme opérateur de télécommunication (Morse) : ses résultats ne le satisfaisant pas, il redouble. Et, là, il sort major de sa promotion ce qui lui permet de choisir son affectation : il choisit Tahiti pour un poste de traducteur officiel dans la « Royale ». Ces fonctions le mènent successivement au Japon, en Martinique et de nouveau au Japon.
Japon pour lequel il développe un attachement profond et durable d’autant qu’il y fait trois rencontres déterminantes dans son existence :
La première en 1976, il rencontre sa première épouse avec qui il aura une fille, Ellie (née à Kobé en 1977). Il quitte la marine et travaille comme traducteur au Japon. Mais, rapidement, son épouse va décéder et Guy doit élever sa fille dans un pays dont il ne maitrise pas la langue ; Ellie va, déjà, parcourir le monde, seule, se partageant entre ses grands-parents alsaciens et ses grands-parents japonais. La communication n’a pas due être facile, mais quelle ouverture au monde !
La deuxième est la rencontre avec le Père Albert Haegeli qui l’initie à la généalogie. Guy enseigne le français au Japon dans une pâtisserie. Puis il crée la première école française à Osaka ainsi qu’une petite entreprise de traduction et d’interprétariat.
Enfin, en 1981, il fait la rencontre d’Emiko lors d’un voyage en train. C’est le coup de foudre et quatre mois plus tard ils décident de se marier.
En 1986, c’est le grand retour en Alsace ; l’entreprise Sony s’installe à Ribeauvillé et Guy y travaille jusqu’à sa retraite en 2011.
En 2005, sa fille se marie avec un batteur de jazz professionnel, féru de cuisine, avec qui elle aura deux enfants, rayons de soleil pour Guy.
La boucle est bouclée ! Guy passe sa retraite à Sélestat, consacrant son temps à ses passions : sa
famille, les voyages, les bandes dessinées, l’Erable Japonais qu’il plante à l’entrée de sa maison, le handball, la généalogie et la paléographie. Et comme il n’a jamais rien fait à moitié, il excelle dans toutes ses passions.
Il faisait partie des personnes que l’on connait peu, mais qu’on a envie de connaître plus. En tant que membre du Cercle, c’était un homme à multiples facettes : historien bien sûr, paléographe et génial « bidouilleur » informatique à qui notre site doit beaucoup.
Sous sa modestie, voire sa réserve, sous ses silences et son regard attentif et pétillant, se cachaient des trésors de savoirs, de rigueur, de curiosité, d’opiniâtreté. Certes il parlait peu dans nos réunions, mais écoutait avec une grande attention, prenant moult notes dans son petit carnet qui doit contenir plein de secrets … Mais, lorsqu’il prenait la parole, c’était toujours à bon escient, posant les questions pertinentes et apportant ainsi sa pierre à l’édifice de la Recherche Historique.
Lorsque les débats devenaient un peu « chauds », voire houleux, il apportait toujours la solution qui calme les esprits et emporte le consensus.
En 2017, Guy a rejoint le « triumvirat » qui a construit et fait vivre le site. Combien d’échanges, le plus souvent par courriels (parfois jusqu’à une vingtaine par jour !), de conversations techniques ! Mais, grâce à lui, ces échanges ont toujours eu lieu avec humour, mêlant allusions littéraires (y compris la bande dessinée), musicales, cinématographiques et autres : cela donnait parfois une impression surréaliste, confidentielle voire de messages codés. Ce n’est pas Francine Christ, qui me contredira.
L’actualité du Cercle en quelques lignes
Les réunions du mardi se sont poursuivies jusqu’à la mi-juillet et reprendront début septembre.
L’activité n’a pas, pour autant, diminuée ; citons les principales :
- poursuite du classement des dons et acquisitions, notamment les archives de Jean-Louis Kleindienst ;
- préparation des expositions sur « La vie de château » et les « 800 ans de Dusenbach » ;
- finalisation et impression de la revue n° 29 ;
- poursuite de l’inventaire des fonds du Cercle ;
- recherches sur les emblèmes d’artisans de Ribeauvillé et les armoiries des Ribeaupierre, de leurs épouses, vassaux et affiliés.
Bref, le COVID ne détruira ni l’engagement, ni la recherche historique !!!
La bibliothèque ancienne du Cercle
Lorsque le Cercle a emménagé dans ses locaux précédents, cour du Grand Bailly, la Ville de Ribeauvillé lui a confié la « garde » et la valorisation de l’ancienne bibliothèque municipale. Cela représente quelque 5 000 volumes datant de 1840 à 1914, provenant, pour une grande partie, de la bibliothèque de l’ancienne Société du Casino de Ribeauvillé composée par la plupart des industriels de la ville[1]. Cet ensemble est un patrimoine historique rare tant par son contenu que par le fait qu'il offre une « photographie » de ce que contenait une bibliothèque municipale des XIX et XXe siècles : ouvrages historiques et scientifiques (par exemple L’histoire naturelle générale et particulière de Buffon (1787) ou de précieux manuels sur les métiers d’antan (bourrelier, cellier, … de 1860), des encyclopédies du XIXe siècle, des ouvrages de référence sur l’histoire, des alsatiques, des romans des XVIII et XIXe siècles et de nombreuses revues (Illustration, Lecture pour tous, Revue des Deux mondes,…).
Il était important d’en faire l’inventaire et de connaître précisément son contenu.
A l’initiative de François Thirion, le président de l’époque, un premier inventaire a été réalisé sur le logiciel spécialisé Papyrus. Mais, rapidement, celui-ci s’est avéré trop complexe pour notre usage, d’autant plus que les membres du Cercle qui le maitrisaient ont pris leur retraite…
Afin de ne pas perdre le bénéfice de l’énorme travail d’organisation et de saisie accompli par Gérard Schaub, de pouvoir reclasser ce fonds et de le rendre accessible aux chercheurs et aux curieux, il a été décidé de transférer les données sur un fichier Excel, certes moins performant mais plus accessibles à des membres moins « pointus » en informatique.
La tâche était lourde et complexe ! Gérard Schaub a bien voulu la prendre en charge. Qu’il en soit vivement remercié.
Il a ainsi pu remettre au Cercle un fichier Excel il y a tout juste un an. Un petit groupe de travail va s’atteler, dès la rentrée, à le finaliser principalement en « localisant » les ouvrages dans leur lieu de stockage. Il faut donc reclasser, pointer les ouvrages, organiser le rangement, entretenir et réparer ces 5000 ouvrages ! L’automne et l’hiver seront bien occupés ! Bien sûr, les Nouvelles du Cercle vous tiendront informés de l’avancement de ce travail.
Il faut remercier chaleureusement Gérard pour son travail de bénédictin qui permettra, dans les mois à venir, de valoriser et d’accéder à ces ouvrages qui, pour certains, ont une valeur historique indéniable.
Ordonnance royale relative aux mariages interreligieux (novembre 1685)
(Notes relevées par Bernard Schwach dans le registre judiciaire de la ville de Ribeauvillé)
Le contexte religieux : le traité de Westphalie (1648) garantit aux protestants la liberté de conscience et de culte. Ceux-ci représentent alors environ un tiers de la population alsacienne. Lorsque l’Alsace devient une province française, l’administration royale procéde avec prudence pour respecter sa situation particulière. Néanmoins, une disposition prévoit que les baillis, doivent rendre compte, non seulement au seigneur, mais également au préteur royal (sorte de superpréfet) qui a un rôle de surveillance et de direction, dans le cadre du Conseil Souverain d’Alsace installé en 1657 auquel doivent se soumettre tous les tribunaux des seigneuries et des villes. Dans ce cadre Louis XIV tente, à partir de 1681, de rogner la liberté confessionnelle en affirmant, qu’en Alsace, le Saint Esprit est aux ordres du Roi. Il impose progressivement et insidieusement la monarchie absolue de Droit Divin et cherche à restaurer l’ordre spirituel catholique. Lors de son sacre, il fait le serment d’extirper l’hérésie protestante de son royaume
Dès lors, il développe en Alsace, malgré les traités, une politique coercitive vis-à-vis du culte protestant. Ainsi, entre 1680 et 1685, il promulgue des ordonnances qui restreignent la liberté religieuse : interdiction des mariages mixtes (1680), retour de la cathédrale de Strasbourg aux catholiques (1681), affranchissement d’impôts pendant trois ans, remise des dettes, gratifications importantes pour les protestants qui se convertissent au catholicisme (1683), création du Simultanéum selon lequel le choeur des temples protestants peut être attribué aux catholiques dans les communes qui comptent au moins sept feux catholiques, la nef demeurant aux protestants (1684), les officiants catholiques deviennent des « curés royaux » auxquels le gouvernement paye un traitement (1684), les protestants ne peuvent plus avoir de domestiques catholiques, dans les communes protestantes le roi impose une parité catholiques-protestants au sein des municipalités, les baillis, greffiers et autres fonctionnaires doivent tous professer la foi catholique, ou abandonner leur poste. Néanmoins dans les territoires des Deux-Ponts Ribeaupierre, cette ordonnance ne s’applique pas tout de suite.
Dans le registre des affaires judiciaires (archives municipales de Ribeauvillé), on trouve une ordonnance royale, datée de mars 1685, qui restreint davantage la mesure de liberté religieuse et sociale et favorise la conversion des protestants.
Ordonnance royale concernant la restriction de la liberté religieuse en Alsace
Louis par la grâce de Dieu, Roy de France et de Navarre.
A tous ceux qui ces présentes lettres verront Salut, par nos lettres patentes en forme d’édicte du mois de novembre 1680, nous avons ordonné que nos sujets de la Religion Catholique Apostolique et Romaine ne pourraient pas, sous quelque prétexte que ce put être, contracté mariage avec ceux de la RPR (Religion prétendue Réformée), déclarant des mariages nuls et non valablement contractés.
Les enfants qui en proviendraient illégitimes et incapables de succéder aux biens, meubles et immeubles de leur père et mère.
Nous apprenons avec une extrême peine qu’en Alsace on y contrevient assez fréquemment et que les Ministres (les pasteurs) fomentent cette désobéissance avec d’autant plus de liberté, que la peine regarde uniquement les contractants.
Nous sommes encore bien informés qu’aux prêches qu’on fait dans les temples, il se tient souvent des discours séditieux, particulièrement sur les derniers édits et déclarations que nous avons estimé de faire concernant ceux de la RPR, sans que les autres Ministres ou les anciens de la RPR qui y sont présents tiennent compte de s’y opposer ou de les empêcher et jugeant important à notre autorité de donner moyens à nos officiers de réprimer par quelques châtiments de telles entreprises.
Nous disons, déclarons et ordonnons par la présente signée de notre main, voulons et nous plait que notre Edit du mois de novembre 1680, soit exécuté selon sa forme et teneur, et y ajoutant que les temples dons lesquels auront été célébrés mariages entre nos sujets de la Religion Catholique Apostolique et Romaine et ceux de la Religion prétendue Réformée soient démolis et l’exercice interdit pour toujours dans les villes ou autres lieux dans lesquels on aura ainsi disconvenu aux disposition de l’Edit.
Nous voulons en outre et entendons que les temples dans lesquels il sera fait des prêches séditieux en quelques manière que ce soit, soient pareillement démolis et l’exercice interdit pour toujours dans les villes ou lieux ou lesdits temples sont situés, et ce lors que les autres ministres et anciens qui auront assistés aux prêches, se s’y seront point opposés, pour justifier de laquelle opposition seront lesdits ministres et anciens tenus de rapporter l’attestation des Catholiques qui pourront avoir été présents aux dits prêches et même d’en prendre acte de juger des lieux auxquels à cet effet ils seront obligés de le dénoncer dans les trois jours pour tout délais des prêches faits.
Donnons en mandement à nos âmes et féaux conseillers, les gens tenant notre Conseil Supérieur d’Alsace que ces présentes, ils aient à faire lire, publier et enregistrer et le contenu à faire exécuter, sans y contrevenir, ni souffrir qu’il y soit contrevenu en quelque sorte et manière que ce soit, car tel est notre plaisir.
En témoin nous avons fait mettre sceau à ces dites présentes.
Cette disposition d‘interdiction de mariages mixtes ne sera levée qu’en 1774 ! Il est étonnant que dans le texte, la religion luthérienne et réformée soit toujours mentionnée par le sigle RPR[2], religion prétendue réformée.
Analyse et commentaires.
Cette ordonnance est signée par l’Intendant La Grange et préfigure l’Edit de Fontainebleau du mois d’octobre 1685, qui révoque définitivement l’Edit de Nantes de 1598.
En 1686, ce même Intendant ordonne la suppression du culte protestant dans les localités où les deux tiers de la population appartenaient au catholicisme. A partir de cette date, pasteurs et fidèles protestants alsaciens se voient menacés de longues et dures peines de prison pour les moindres infractions.
Mais cette disposition générale connut une exception dans le comté de Ribeauvillé.
Les comtes de Ribeauvillé professaient alors la religion Réformée, influencée par le suisse Zwingli, mais toléraient dans leur territoire les religions catholique et juive. Christian II, qui avait épousé Agathe de Ribeaupierre, était alors bien en cours auprès de Louis XIV qu’il avait accueilli, en grande pompe, au château de Ribeauvillé en août 1673. Son fils, Christian III, s’est mis au service du roi de France durant toute sa carrière militaire. Propriétaire du Régiment d’Alsace, il se distingue notamment durant la guerre de succession d’Espagne. Le Roi-Soleil ne leur a jamais reproché leur religion et les fidèles protestants qui se rendaient à la chapelle protestante du château ne furent jamais inquiétés dans leur foi.
Il est intéressant de noter que, dans les archives de Ribeauvillé, le recensement de la population en 1698 mentionne 503 familles de religion chrétienne (catholiques et protestants non dissociés) et 25 familles de religion juive. Mais on peut estimer (d’après des estimations datées de 1750) qu’un quart de la population de Ribeauvillé était protestante.
Louis XIV semblait s’accommoder de certaines dérogations réglementaires, dès lors qu’il y trouvait quelques intérêts supérieurs !
Il faudra attendre 1746 pour voir Christian IV et Frédéric Michel, le père du prince Max, se reconvertir à la religion catholique, par opportunité politique. C’est d'ailleurs le comte Frédéric Michel qui va céder le Tabelionisch Hof, au pied même du château, pour que la communauté protestante puisse y construire un temple. La Hofkapelle du château est alors rendue au culte catholique.
Alors, on peut se demander pourquoi cette ordonnance royale figure dans un registre qui traite des affaires judiciaires dans un comté ou l’on n’applique pas les prescriptions réglementaires !
(à suivre)
[1] Voir à ce sujet « Vivre à Ribeauvillé » n° 30 de décembre 2015.
[2] Religion prétendue réformée ou R.P.R. : désigne la religion protestante (dite aussi réformée) sous l'ancien régime, que ce soit sous l'Edit de Nantes ou après sa révocation. Ses adeptes sont d'abord dits "huguenots", "religionnaires", "ceux de la RPR", puis ensuite au XVIIIème siècle "calvinistes", "protestants" ou encore, dès 1535, avec une nuance péjorative, "parpaillots".
2eme trimestre 2021~
Il y a 800 ans, la création de Dusenbach en 1221
2021 est une année importante pour le sanctuaire de Notre Dame du Dusenbach, puisqu’elle marque le 800e anniversaire de sa fondation.
Cette date fait polémique, car plusieurs historiens locaux font état d’une fondation de ce sanctuaire en 1204, millésime mentionné par l’historien strasbourgeois Grandidier et repris, au cours des siècles, sans en vérifier l’exactitude.
Une récente découverte de documents relatifs à la construction de ce pèlerinage dans les archives du couvent de la Divine Providence de Ribeauvillé, rédigés par l’Abbé Worm, supérieur du Couvent, au milieu du XIXe siècle, nous fait penser que le début de la construction remonterait bien à 1221. Il se base sur les recherches qu’il a menées aux archives de l’évêché de Bâle, du Vatican et des chroniques de l’Abbé de Spanheim qui participe à la 5e croisade.
Les annales de Dusenbach rapportent qu’Egelolphe II de Ribeaupierre, de retour de croisade, ramène une icône de la Vierge dont il fait don à l’ermite installé dans le vallon du Dusenbach et fait ériger une première chapelle à proximité de l’ermitage pour y héberger la précieuse relique.
La discussion historique porte sur la date de la croisade d’Eguenolphe de Ribeaupierre.
Les tenants de la date de 1204, affirment qu’Egelolphe II a participé à la 4e croisade (qui se termine en 1204), mais d’autres recherches plus récentes, font plutôt penser qu’il a participé à la 5e croisade, ce qui légitimerait la date de 1221. Toute la question est de savoir si Egelolphe II a participé à la 4e ou à la 5e croisade. Reprenons l’histoire de ces deux croisades, replacées dans le contexte politique de ce début du XIIIe siècle.
La 4e croisade (1202-1204) est prêchée dès 1200 par Foulque de Neuilly. De puissants seigneurs font le vœu de partir en Terre Sainte, dans l’espoir d’expier quelques erreurs de jeunesse et des torts envers l’Eglise.
Mais, dans l’Empire germanique la Querelle des Investitures a laissé des traces dans les esprits de maints nobles, partisans des Hohenstaufen. En prêchant cette croisade, le pape Innocent III pense reprendre la main sur les chrétiens encore ralliés aux thèses de l’empereur. Les évêques de Bâle et de Strasbourg n’ont, semble-t-il, pas répondu à cet appel. De ce fait, les Ribeaupierre, vassaux des évêques de Bâle, n’ont aucune obligation de s’engager dans cette grande aventure. J. B. Worm évoque bien une velléité des Ribeaupierre de participer à cette croisade, mais avance deux arguments qui vont dans le sens contraire :
- la fidélité au serment fait au suzerain, l’évêque de Bâle, qui n’est pas en très bon terme avec le pape ;
- l’absence de fonds.
D’ailleurs, dès le départ, cette 4e croisade manque de fonds. Godefroi de Bouillon renonçant d’aller à Jérusalem par voie terrestre, négocie avec le doge de Venise le transport de cette armée par voie maritime (Venise, à cette époque, a le monopole du commerce et de la navigation en mer Méditerranée). Mais le transport a un prix ! Worm relève les exigences vénitiennes : ce peuple mercantile qui ne connaissait que l’argent exigeait pour le transport 85 000 marcs d’argent.
Les croisés arrivent à réunir seulement une partie de la somme et promettent de payer le solde à leur arrivée. En contrepartie les Vénitiens exigent que les croisés s’engagent, en cours de route, dans des opérations militaires sur les côtes dalmates au seul profit des marchands (reprendre la ville de Zadar).
En juillet 1203, ils font le siège de Byzance, avant de mettre à sac cette ville. Les nombreuses reliques réunies par les Byzantins sont systématiquement volées par les croisés et les Vénitiens. Les croisés s’arrêtent là et ne sont donc pas allés à Jérusalem.
L’historien Grandidier rapporte que selon la tradition, Egelolphe II aurait participé à cette croisade et qu’à son retour, en 1204, il aurait fait édifier une première chapelle au lieu-dit Dusenbach. Mais c’est là plutôt un fait légendaire, sans aucune réalité historique.
La 5e croisade (1217-1221). Quelques années plus tard, le pape Innocent III cherche toujours à imposer son autorité à tous les souverains européens. A la mort de l’empereur Henri VI de Hohenstaufen, les princes allemands se divisent sur le nom de son successeur. Le pape profite de cette division interne dans l’Empire pour faire élire, en 1209, un empereur « pro-papiste », Otton de Brunswick, et affirmer les droits supérieurs de la papauté.
Le pape rêvait de créer une théocratie mondiale. Le Concile de Latran, en novembre 1215, prêche une nouvelle croisade pour essayer de reprendre Jérusalem aux infidèles, après l’échec de la 4ème croisade. Il est décidé que l’Indulgence Plénière (pardon de tous les péchés commis) sera accordée aux combattants qui y participeront. C’est là un appel du pied au monde germanique qui était, jusqu’à présent, plutôt circonspect par rapport au souverain pontife.
Le contexte politique a beaucoup changé en dix ans. Innocent III va excommunier Othon IV de Brunswick qui s’est opposé à son protecteur. Le pape lui préfère son rival, Frédéric II de Hohenstaufen, petit-fils de Frédéric Barberousse, qui sera élu empereur en 1218. Dans ce nouveau contexte, le successeur d’Innocent III, Honorius II, réussit à convaincre les ducs, seigneurs et ecclésiastiques du sud de l’Empire Germanique (Alsace, Bade, Suisse, Souabe, Autriche, Bavière) et du royaume de Hongrie, de participer à une nouvelle croisade.
L’un des premiers à se rallier fut l’évêque de Bâle qui, avec celui de Strasbourg, est devenu un fervent partisan du pape (alors que quelques décennies plus tôt ils étaient excommuniés à cause de leur soutien à l’empereur contre la papauté). Sous sa bannière doivent se ranger tous ses feudataires selon les règles de la féodalité qui exigent que les vassaux doivent répondre à l’appel de leur suzerain. Le contraire eût été un acte de félonie, entraînant le retrait immédiat du bénéfice.
Dans ce contexte, Egelolphe II, le chef de la branche des Ribeaupierre, se doit de jurer de partir avec ses leudes[1] en Terre Sainte. La participation à une croisade avait un indéniable avantage : la trêve de Dieu perpétuelle prévoyait que quiconque eût osé attaquer les états d’un absent, combattant pour la cause du Christ, encourait la peine d’excommunication. C’était là une arme qui protège mieux que le glaive, en des temps où la foi avait conservé sa vivacité entière.
Egelolphe met plusieurs mois à rassembler les fonds nécessaires à sa participation à la croisade et, lorsqu’il part, il était âgé d’une quarantaine d’années (selon J. B. Worm).
Les seigneurs et les ecclésiastiques de la vallée du Rhin se mettent en route en mars 1217. Chaque seigneur doit emmener et subvenir aux besoins d’une, ou plusieurs, lance[2].
[1] Membres de la haute aristocratie durant le haut Moyen Âge. Ils étaient liés au roi par un serment (le leudesanium) et des dons.
[2] Formation composée généralement : du seigneur, d’un écuyer, d’un sergent, de 2 à 4 hommes d'armes, de deux archers, et d'un coutilier (égorgeur !).
Mais l’expédition tourne à la catastrophe. Le légat du pape, Pélage Salvani, veut d’abord conquérir l’Egypte afin de l’échanger contre la Palestine, mieux protégée par les troupes du sultan. Les musulmans rompent les digues du Nil en crue et les croisés se trouvent piégés sur une bande de terre à Mansourah, sans ressource, affamés, démunis et sans bateaux. Le légat du pape s’enfuit en laissant le soin à Jean de Brienne de négocier la reddition des hommes. Les croisés sont autorisés à regagner Damiette, sous condition de libérer la ville et de quitter le pays. Dans ce contexte de déroute militaire, les croisés reprennent le chemin de l’Europe. Mais un grand nombre avaient péri de fatigue, de maladie ou des suites de blessures. Les archives précisent que les rangs étaient bien éclaircis, et la plupart des gens des Ribaupierre laissèrent leurs ossements sur les plages lointaines. Vers le printemps suivant, Egelolphe revint épuisé au château paternel, et y rendit bientôt son âme à Dieu (en 1222). La tradition raconte qu’Egelolphe aurait rapporté de la Terre Sainte, une piéta, mais il s’agit, vraisemblablement, d’une icône représentant la Vierge Marie. Souhaitant offrir un « écrin » à cette relique et un sanctuaire consacré à Marie, il fait construire, en 1221, une chapelle ainsi que le décrit Worm : Egelolphe II, avant de mourir, chercha un ermitage sur le revers de la montagne, afin d’avoir toute facilité d’y renouveler toutes les marques de sa dévotion. L’écartement du lieu devait ainsi prêter davantage au recueillement et à la prière. Or nul endroit plus propice à cet effet qu’une petite gorge où un filet d’eau, roulant son onde goutte à goutte, jusqu’au Strengbach au fond de la vallée, est, par son incessant murmure, le parlant symbole de la prière. Egelolphe meurt en 1222, âgé de 45 ans avant de voir la fin des travaux de la chapelle où il est inhumé selon ses dernières volontés.
Bernard Schwach
Où il est question d’œufs de Pâques : au Moyen Age, dans maintes villes et dans la plupart des villages, il existe un Beichtpfennig, une taxe pour se confesser ! A Pâques, il est obligatoire de se confesser et communier. Pour prouver qu’on est un bon chrétien, le curé délivre, après la confession un Beichtzettel (billet de confession), moyennant une rétribution ! Si l’on veut se marier ou être enterré dans un cimetière il faut présenter ce Beichtzettel, prouvant que l’on est en règle avec les préceptes de l’Eglise. Geiler ayant blâmé cet usage lors de ses prêches à la cathédrale de Strasbourg, le Synode de Bâle de 1505, interdit cette pratique mais le texte précise que le confesseur peut accepter un don en nature.
Dès 1522, la coutume d’offrir, à Pâques, des œufs au confesseur est attestée dans la province ; coutume qui existe encore au XIXe siècle. Souvent les pénitents décoraient ces œufs pour s’attirer les bonnes grâces des religieux et se démarquer des simples quidams.
Au cours du XXe siècle les mœurs ont changé, et les œufs sont offerts aux proches, mais en chocolat !
Le pèlerinage du Dusenbach lors du Pfifferdaj, depuis 1953 : les traditions anciennes imposent aux ménétriers d’effectuer un pèlerinage à Notre Dame de Dusenbach. Cette tradition multiséculaire s’est arrêtée au lendemain de la Révolution française.
En 1953, arrive au Dusenbach un évêque d’origine alsacienne, expulsé en 1952 de la Chine communiste, Mgr Vogel. Ce missionnaire a œuvré dans le diocèse de Swatow, dans le sud de la Chine, de 1931 à 1952. Ce prélat, alors âgé de 75 ans, se retire à Dusenbach et s’intéresse à l’histoire locale et à celle des ménétriers. Il souhaite renouer avec la tradition et propose de célébrer une messe le dimanche matin du Pfifferdaj. Il invite donc toutes les sociétés de musique et de chant choral du secteur à se rendre au Dusenbach, pour y bénir les instruments de musique. L’engouement est tel que plus de 1500 fidèles montent en procession jusqu’au sanctuaire. La messe, concélébrée par Mgr Vogel et le Père Célestin Hatsch, a été empreinte d’une magnificence qu’elle n’a pas connue depuis bien longtemps.
L’année suivante, en 1954, c’est grâce à l’initiative de Guy Engelberger, président du groupement de Colmar-Ribeauvillé de la Fédération Catholique des Sociétés de Chants et de Musiques d’Alsace, que cette manifestation a été instituée de façon pérenne. Mgr Weber, évêque de Strasbourg, soutient cette noble initiative et vient célébrer cette seconde messe qui est alors détachée de la fête principale et décalée au deuxième dimanche du mois de septembre.
Depuis cette date, le pèlerinage à Notre Dame du Dusenbach met un point final aux festivités de la fête des ménétriers.
Le cortège composé d’élus en costume traditionnel, de différentes harmonies, des membres de la confrérie Maria Raydt portant la statue de la Vierge, ainsi que de nombreux fidèles costumés, part de la place de la Sinne pour se rendre à pied jusqu’à Dusenbach. A leur arrivée, les Pères du sanctuaire les accueillent sur le parvis avant de les inviter à suivre une grand-messe accompagnée par les chants d’une ou plusieurs chorales et par la musique de diverses harmonies.
En 1957, la grand- messe est célébrée par Mgr Charles Brand qui est attaché au Pfifferdaj, car sa maman, originaire de Ribeauvillé, participait déjà à cette fête. Il a d’ailleurs fait une partie de son sermon en alsacien, sur le thème de la fraternité des ménétriers.
Le Geleit (Droit de Conduite) désigne la protection offerte à un voyageur et à ses biens. Cette protection des voyageurs et le sauf-conduit constituent des droits régaliens (ce qui est du ressort de l'exercice de la puissance gouvernante, ici le seigneur). Toute atteinte à la sécurité est donc considérée comme une rupture du devoir régalien et appelle réparation, non seulement de la part du malfaiteur, mais encore du seigneur défaillant.
L’empereur exerce, en théorie, ce Geleit sur les routes impériales publiques (offene Reichstrasse) pour assurer la sécurité du commerce. Mais, en pratique, sur le terrain, cela nécessite une délégation de droits et une force militaire effective. Dès 1231, l’empereur accorde, aux grands seigneurs territoriaux, l’exercice du droit de conduite (ou conduit) dans leurs territoires, alors appelé Geleite. La protection - qui consiste en la mise en place d’une escorte allant d’un cavalier à toute une compagnie armée - est accordée contre paiement d’un droit, Zollgeleite ; en contrepartie, le voyageur reçoit un document attestant du paiement et de l’effectivité du conduit. Ledit document lui servait ensuite de garantie en cas d’attaque contre sa personne ou ses biens.
Etaient concernés par cette protection : en premier lieu, les commerçants qui se rendaient aux foires. Les marchands pouvaient alors se voir contraints de voyager en convois sous escorte armée sur une route sécurisée (Zwangsgeleite) ; sont également concernés les personnages de haut rang (évêques, seigneurs, diplomates, juges...) ainsi que les pèlerins, qui, eux, bénéficient d’une gratuité de protection.
Ce droit est abrogé en France par la Révolution, mais ce n’est qu’en 1830 qu’il disparait dans l’Empire Germanique.
~Petites nouvelles de la recherche du 1er trimestre 2021~
Ce numéro des Petites Nouvelles de la Recherche est entièrement consacré à l'hommage que le Cercle tient à rendre à Jean-Louis Kleindienst.
Au revoir Monsieur Kleindienst !
Jean-Louis Kleindienst nous a quittés le 20 décembre 2020.
Il sera irremplaçable ; dans nos cœurs bien sûr, mais aussi dans celui de tous les généalogistes d’Alsace et d’ailleurs.
Jean-Louis Kleindienst nait le 1er janvier 1933 à Colmar, fils unique d’une famille originaire de Heiteren : son père, Louis Kleindienst et sa mère Léonie Anne Vonau. De son mariage avec Raymonde Gauer, d’un an son aînée (1932/2018 - institutrice puis directrice d’école à Algolsheim, Logelbach et Bennwihr) il aura deux filles et quatre petits-enfants.
De la maternelle à l’école normale, il suit sa scolarité à Colmar (école maternelle, école Jean-Jacques Rousseau à Colmar, Herbert Norkus Schule, Mittelschule, Ecole Lamartine, Ecole Victor Hugo, Ecole Normale d’Instituteurs à Colmar). Hormis ses deux ans de service militaire (Epinal puis Cahors, 1956/1958), il fait toute sa carrière d’enseignant, de 1954 à 1989, en Alsace : instituteur à Eguisheim (1954/1955) et Colmar (école du Musée – 1958/1959), puis directeur d'école primaire de garçons à Bennwihr (1959/1968), maître de classe de transition puis professeur au collège « les Ménétriers » à Ribeauvillé (1968/1989).
Il laisse une marque profonde à celles et ceux qui ont eu la chance de l’avoir comme enseignant : qui ne se souvient pas de ses premières recherches généalogiques sous sa houlette ? Qui ne se souvient pas de son premier cours de l’année passé à déambuler dans les rues de Ribeauvillé à la recherche d’emblèmes d’artisans et de « décodage » des millésimes inscrits sur les linteaux de porches ?
Jean-Louis Kleindienst consacre ses loisirs à une œuvre unique - on a envie de parler de « Grand Œuvre » - à l’histoire des familles et des maisons de Ribeauvillé et de Bergheim. A coup sûr, il leur a offert l’immortalité et a créé un patrimoine inestimable au travers de ses recherches et de ses publications.
Mais laissons-lui la parole pour décrire son Œuvre (ce terme mérite, à n’en pas douter, une majuscule).
« En 1956, j’ai entrepris la transcription sur fiches familiales[1] des registres paroissiaux de l’Ancien Régime et de l’état-civil de Heiteren, la commune natale de mes parents. En 1971, avec ma nomination d’archiviste municipal bénévole de Ribeauvillé, j’ai effectué cette transcription des registres de Ribeauvillé, suivie successivement de ceux de Hunawihr, Zellenberg, Beblenheim,
Bergheim, Riquewihr, Bennwihr et Ostheim, ainsi que des registres paroissiaux de Mittelwihr, les plus anciens du Haut-Rhin. J’y ai ajouté de nombreux actes de notariat, parmi lesquels 14 mètres linéaires d’inventaires d’un énorme tas de documents prélevés par les Archives départementales au grenier de Ribeauvillé et déclarés au XIXe siècle par le chartiste ribeauvillois Bernard Bernhard comme n’ayant pas de valeur historique.
En 1984, la Confrérie des Rois Mages a fait diffuser trois brochures généalogiques dactylographiées par Mme Huguette Bentz. Ce sont les familles Schwach, Kientzler et Halter. En 1989, mon départ en retraite du collège « les Ménétriers », l’accès à l’informatique et la création de l’Association des Amis du Vieux Zellenberg m’ont permis d’entreprendre l’édition et la diffusion de telles brochures dont la vente a permis l’établissement du circuit historique de Zellenberg et le lancement de l’animation du « S’Wielâda »[2].
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[1] Ses « fameuses » petites fiches, dont tout l’espace est utilisé et rempli de notes (écrites au crayon papier à la mine dure ! d’une petite écriture serrée) « glanées » au fil de ses lectures et décryptages d’archives.
[2] Fête populaire de Zellenberg dite du « S'Wielâda » (chargement du vin à l'ancienne) revient à l’artiste peintre local Antoine Fuchs. L'association des « Amis du vieux Zellenberg », sous la houlette de Jean-Louis Kleindienst en fixe rapidement le cadre. Après avoir compulsé les archives départementales de Colmar, l’historien imagine les différents dialogues entre l'acheteur, le gourmet (intermédiaire) et le viticulteur du cru à l'occasion des transactions viticoles, de l'accueil du marchand de vin par le garde champêtre jusqu'au chargement final du précieux breuvage en passant par la phase plus administrative de la conclusion du contrat de vente. Si le contexte historique, se situant autour de 1919 est exact, les jeux de scène, les mimiques accompagnant les dialogues appartiennent à la fantaisie des acteurs et à leur inspiration du moment.
En 1995, des circonstances indépendantes de ma volonté m’ont amené à poursuivre ce travail de publication au profit du Cercle de Recherche Historique de Ribeauvillé et Environs. Ainsi 118 ont été diffusées de 1989 à 2003. (…)
Une incompatibilité avec la modernisation de l’informatique, avec un surcroît de travail dû à la préparation des séances mensuelles de généalogie et avec les recherches et l’établissement de l’histoire des maisons, en particulier de celles de Ribeauvillé à partir des actes des protocoles de contrats de Ribeauvillé depuis 1518, il ne m’est plus donné d’éditer et de réimprimer les brochures comme par le passé.
Le Cercle de Recherches historique de Ribeauvillé et Environs a ainsi proposé et accepté ce travail en cette année 2007, avec les compléments et des illustrations, ce qui répond au but de ce cercle.
En parallèle, Jean Louis Kleindienst a une vie sociale et associative particulièrement active : vice-président de l'Association des Amis des Archives du Haut-Rhin (de 1971 à 1996) et du Cercle Généalogique d'Alsace (de 1980 à 1998), conseiller municipal (de 1983 à 1989) puis 3e adjoint au maire de Zellenberg (de 1989 à 1995), président de l'Association des Amis du Vieux Zellenberg (1989), de la Fédération Généalogique de Haute-Alsace (de 1996 à 2002) et de de l'Association des Amis des Archives du Haut-Rhin. Il siège également pendant de nombreuses années au conseil d’administration du Cercle de Recherche Historique de Ribeauvillé et Environs.
Il reçoit la médaille de bronze du tourisme en 1995, la médaille de la ville de Ribeauvillé en 2009 et les Palmes Académiques en 2009.
Le Cercle de Recherche Historique de Ribeauvillé et Environs tient pour un honneur que Jean-Louis Kleindienst lui ait fait confiance en le chargeant de gérer et de diffuser largement ses études relatives à 1274 familles et de la quasi-totalité des propriétés bâties (plus de 500) de Ribeauvillé et de Bergheim. Jean-Louis Kleindienst fait partie du Cercle pendant de nombreuses années et contribue largement à la recherche historique sur notre région. Fier d’avoir compté cet éminent historien parmi ses membres, le Cercle se considère comme son héritier spirituel et fera tout pour « protéger » et faire vivre ses travaux en les mettant à la disposition de tous.
Il est aussi un grand historien ayant toujours à cœur de faire partager ses connaissances à tous : auprès de ses élèves en leur faisant « vivre » l’histoire locale sur le terrain, leur laissant ainsi un souvenir impérissable ; auprès de nous tous au travers des nombreux articles de presse consacrés au patrimoine local, à l’histoire locale, à l’histoire des familles et des propriétés bâties. Il n’est pas possible d’être exhaustif, tant sa production est abondante, citons quelques thèmes :
- les femmes de Ribeauvillé (la première directrice des postes, les sages-femmes, les femmes nobles, Augusta Beysser-Bartholdi (la mère du sculpteur de la Statue de la Liberté), la Vierge des Verreries, la Vierge de Dusenbach, une sorcière, Caroline Umbdenstock qui a donné son nom à la source Carola, …);
- sujets historiques (Histoire de Ribeauvillé, dynastie des Ribeaupierre et des Deux-Ponts, les Ménétriers, biographie du Général Rapp, les statues de Brosch du parc du château…).
Ayant toujours l’objectif de mettre l’histoire à la portée de tous, Jean-Louis Kleindienst organise plusieurs expositions consacrées, notamment, aux tanneurs de la rue des tanneurs de Ribeauvillé, aux moulins de la ville, aux grands centenaires de Ribeauvillé (en 1973) et, surtout, la généalogie des Ribeaupierre, concrétisée par un arbre de 24 mètres de long !
N’oublions pas non plus les formations en généalogie et en paléographie qu’il assure pendant de nombreuses années à des élèves passionnés qui sauront poursuivre son œuvre de « décryptage » des textes anciens. Voici le témoignage vivant d’un de ses fidèles disciples : « De 1998 à 2008, j’ai suivi son initiation à la paléographie à Ribeauvillé. En début de séance, il distribuait aux habitués une « carotte », comme il aimait à le dire.
La carotte en question était une feuille sur laquelle il avait extrait de son ordinateur une partie de notre ascendance. Et il prenait beaucoup de plaisir à distribuer à chacun sa carotte.
C’était le rituel de Jean-Louis Kleindienst.
Ce n’était qu’une fois par mois, mais je ne voulais rater sa carotte pour rien au monde.
Il était d’une grande générosité avec chacun d’entre nous.
Il m’arrivait d’aller le voir aussi chez lui avec la copie d’un vieux document qui me créait des soucis de décryptage ou de compréhension. Occupé comme il l’était, jamais il a refusé de m’apporter son aide. Je repartais de chez lui, heureux, en me disant : j’ai beaucoup appris, mais j’ai encore beaucoup à apprendre. Il était toujours disponible. Et bienveillant ».
C’est donc un tabellion acharné et passionné qui nous quitte. Mais c’est aussi un grand humaniste, un ami, un homme à l’écoute des autres, prêt à rendre service en consacrant une partie de son précieux temps pour aider les personnes à la recherche de leurs origines. Sans ses travaux, la recherche historique et généalogique dans notre région n’aurait pas l’aura qu’elle a auprès des archivistes et généalogistes de tout bord.
Merci, Monsieur Kleindienst de ce que vous nous avez apporté et que vous nous apporterez encore pendant de longues décennies.